vendredi 23 septembre 2011

A la Rectrice de l’Académie de Nantes



Alain VIDAL                                                                                         le 27-03-02
Instituteur à l’école de la Fraternité. Nantes
vidal.mothes@wanadoo.fr
02 40 89 32 03                                                          
                                                    
                                              Madame la Rectrice de l’Académie de Nantes


   Lundi 25 mars, deux policiers en civil viennent dans mon école me remettre une convocation émanant du commissaire de Nantes. En tant que rectrice, vous avez déposé plainte contre x “ pour dégradations volontaires de biens publics ”. Je serais mis en cause.
Menées sur fond de  grève de plusieurs milliers  d’enseignants, pour l’obtention de  500 postes, l’occupation d’une inspection académique, le franchissement du mur d’enceinte de la mairie, un porte forcée pour  occuper la salle du conseil municipal, une autre porte forcée pour occuper le rectorat…toutes ces actions sont illégales. Actions illégales certes, mais commandées par l’intérêt supérieur des enfants.
Le devoir d’un instituteur est d’enseigner l’histoire sans fard, notamment l’histoire des luttes sociales, l’histoire de ces hommes et de ces femmes, enfonçant des portes, occupant illégalement leur lieu de travail, se battant, parfois au péril de leur vie, pour la journée de huit heures, la semaine de quarante heures , les congés payés, la sécurité sociale…pour tous ces droits qui sont aussi les vôtres, madame la rectrice. Pour tous ces droits encore si fragiles et  si menacés, pour tous les autres à venir,  il y a devoir de  se souvenir, il y a devoir d’agir.
 Oui, il y a urgence à forcer les portes face au délit d’indifférence dont se rendent coupables les pouvoirs publics. Pour n’avoir pas forcé la porte  de son ministre, un haut fonctionnaire a été accusé par le procureur, de délit d’indifférence au procès du sang contaminé. Invoquant naïvement son devoir de réserve, ce haut fonctionnaire s’est attiré les foudres du magistrat: le délit  d’indifférence faisait jurisprudence.
L’assistance à personne en danger ne souffre aucun pantouflage, aucun conformisme. Sans sous-estimer le poids des facteurs familiaux socio-culturels, quantité d’enfants sont en danger par insuffisance de moyens alloués à l’école. Scandale de l’amiante, scandale du sang contaminé, scandale des classes surchargées, tout finit par se savoir ! Mais, que de souffrances, que de vies gâchées. Pourquoi attendre ?
Reconnues pour leur sérieux, les enquêtes de l’INSEE  sont accablantes pour les pouvoirs publics. Maladies, accidents de la route, accidents ménagers, alcoolisme, tabagisme, échec scolaire…les pourcentages s’élèvent dangereusement  en raison  inverse du niveau scolaire des parents.
Comment oublier à ce point que les enfants d’aujourd’hui sont les parents de demain ? Quel aveuglement! Une ouvrière a trois fois  plus de risques qu’une cadre supérieure d’avoir un bébé prématuré. L’espérance de vie d’un ouvrier est de dix ans inférieure à celle d’un cadre. L’instruction a toujours été la meilleure des préventions contre les inégalités acquises.
Par échec scolaire aggravé, des jeunes sombrent dans la délinquance, des vies sont fracassées. Forcer les portes ? Oui, c’est urgent. Concernant la délinquance des jeunes, les enseignants ont à  réaffirmer inlassablement la primauté de l’instruction  sur la répression, la primauté de l’instruction   sur l’enfermement des enfants dans des centres dits d’“ éducation renforcée ”, la primauté du droit des parents à l’éducation permanente sur la suppression des allocations familiales et autres humiliations de ce genre.
 Instituteurs, rectrice… nous sommes avant tout des citoyens. Sortons de nos petits conformismes quotidiens, de nos plans de carrière qui nous bâillonnent. Allons guerroyer aux frontières de nos statuts ! Etablissons  le contact autrement que par commissaire de police interposé.
 Madame la rectrice, n’attendez pas que des parents portent plainte pour non assistance à enfants en danger. Nous connaissons la réalité, vous la connaissez. Madame la rectrice, rejoignez nous et ensemble nous serions plus forts pour faire céder la porte d’un ministre qui reste sourd à nos revendications. Il ne s’agit plus de  convenances surfaites, mais de devoir. Vous briseriez l’assourdissant silence de l’indifférence.
                                              Vous forceriez le respect.
                                                                                            Alain VIDAL

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